Célébration de l’insuffisance, quelle valeur à limiter les fonctionnalités de son produit ? 

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À quelques semaines de la nouvelle année 2023 la queue devant les stations essences s’allonge. La ressource est limitée, un rappel que le temps de l’abondance, du disponible partout, s’éloigne.

En cette même fin d’année, La Poste annonce arrêter la production des timbres rouges et d’assurer la promesse qui les accompagnent : votre courrier livré dès le lendemain. Aujourd’hui tous les timbres feront l’objet d’une livraison en une poignée de jours, 4 au maximum. On limite la vitesse possible, pour optimiser les rondes et minimiser les trajets à vide des camionettes jaunes.

Dans une époque où nous ralentissons pour optimiser la consommation et nous arrêtons faute de ressources, comment cette réalité influence-t-elle notre processus de design et de création de nouveauté ? Cette question m’interpelle d’autant plus dans l’univers des services numériques, souvent considérés comme étant à l’écart des contraintes de limitations.

En me faisant cette remarque me viennent en tête les services qui proposent des modèles freemium, qui eux par essence comportent des limites dans leur usage pour qui ne paye pas la version Premium. Des services comme Zoom et Spotify par exemple, nous donnent juste assez gratuitement, tout en limitant les fonctionnalités clés, elles, payantes. 

Et si ces limitations, sensées appauvrir l’expérience utilisateur, au contraire, l’enrichissaient ? Je vous propose de tenter l’exercice de projection dans ces prochaines lignes, pour explorer la question des limites et comment elles peuvent s’immiscer dans le processus de création de nouvelles expériences en ligne.

– Zoom, avec sa limite des 40 minutes de call, nous tease avec les possibilités de conversations sans fin du mode payant, mais nous rappelle subtilement que, parfois, les meilleures réunions sont celles qui ne durent pas éternellement.

– Loom est un service d’enregistrement de vidéos pour partager de l’information de manière asynchrone. Son modèle freemium contraint l’enregistrement à 5 minutes, nous obligeant à être précis et concis. Idem pour l’espace de stockage, limité il nous invite à faire le ménage dans nos archives vidéos.

– Megavideo, un service de streaming qui a bercé le début de la décennie, avait une fameuse limite de 72 minutes de visionnage d’affilée pour les non abonnés. Limitation qui a peut-être sauvé un grand nombre d’entre nous d’innombrables heures de binge-watching.

– Spotify, en version gratuite, limite le nombre de “skips”. Pourquoi pas une façon de re-injecter de la patience dans l’expérience d’écoute ? On termine une chanson avant de démarrer la suivante. 

Célébration de l’insuffisance

Alors si certains de ces exemples tirent le fil un peu loin, ils n’en sont pas moins une source d’inspiration à l’heure de concevoir de nouveaux services et produits. Au sortir d’un siècle, marqué par l’abondance et ses effets, il semble utile de se rappeler de chérir nos limites.

En tant qu’artisans de la technologie, pourquoi pas intégrer ces limites, non pas avec résignation, mais avec reconnaissance pour stimuler l’innovation et, osons-le dire, peut-être même rendre la vie un peu plus intéressante.